On dit toujours ça, c’est comme manger, c’est comme boire
de l’eau, ou d’une manière plus soft, c’est comme faire du sport, ce besoin de
courir, toujours.
Enfiler ses chaussures, les baskets et le jogging et
rouler sur la route, courir courir les rues. Je ne trouve pas d’équivalent à ce
verbe, quelque chose qui y ressemble mieux, c’est pas parcourir, c’est pas
arpenter, c’est pas avancer. Courir, ce verbe de mouvement, qui contient tout,
les pieds et les jambes, le torse, le corps et l’esprit. C’est un verbe spatial
aussi. Ça englobe. C’est pas vulgaire, c’est pas chic, c’est usuel. Je crois me
rappeler que de ces langues que j’ai apprises, il appartenait aux premiers
mots, à la première liste de voc, la première liste de par cœur.
Comme écrire. Mais je ne me rappelle pas entre les deux
lequel est venu d’abord. D’une manière spontanée je dirais run et correr. Mais
je ne suis pas certaine et cela n’a pas tant d’importance dans ce texte.
Ecrire. Comme la nécessité du geste parfois plus que du
contenu.
Parfois juste ouvrir le document word, la page et taper.
Parfois ne jamais se relire. Enfin pas vraiment. Enfin si mais pas beaucoup. Je
ne crois pas au texte fait et jeté.
Le texte est presque toujours lu par quelqu’un au moins
une fois. Au moins par soi.
Il y a toujours un destinataire à l’écriture. Conscient
ou inconscient. Il y a toujours quelqu’un derrière la lettre, la touche enfoncée
du clavier. Il y a quelqu’un derrière le verbe et devant.
Ecrire est un acte solitaire mais généreux. L’économie du
don naît. On peut m’apporter sur la table ceux qui sont forcés à écrire ou bien
ceux qui déchirent l’encre encore humide. Tant de feux entretenus à brûler les
mots. Il y a toujours l’acte d’écriture qui ne s’efface pas de l’histoire.
Il y a ces textes dont on a honte, qu’on aurait voulu ne
jamais écrire. Je n’ai jamais jeté ce que j’ai écrit, de la merde à mes textes
les plus chiadés, même les brouillons. Les brouillons restent. Ils sont
conservés moins précieusement, froissés dans l’angle d’un carton mais ils
restent parfois, longtemps. Ils sont en quelque sorte ces écrits que je n’ai
pas brûlés. Les brouillons sont nos ratures et contiennent nos échecs. Il est
compréhensible que certains les fassent disparaître, mais je crois qu’il faut
savoir se souvenir aussi d’où nous venons. Je viens du journal intime que j’écrivais
à sept ans. Je viens de mes rédactions de prose d’aventure de CM2. Je viens de
mon commentaire du bac de français. C’est passé, c’est révolu mais c’est la
chape.
Je ne pense pas que l’enfance soit un brouillon de l’adulte.