samedi 2 avril 2016



On dit toujours ça, c’est comme manger, c’est comme boire de l’eau, ou d’une manière plus soft, c’est comme faire du sport, ce besoin de courir, toujours.
Enfiler ses chaussures, les baskets et le jogging et rouler sur la route, courir courir les rues. Je ne trouve pas d’équivalent à ce verbe, quelque chose qui y ressemble mieux, c’est pas parcourir, c’est pas arpenter, c’est pas avancer. Courir, ce verbe de mouvement, qui contient tout, les pieds et les jambes, le torse, le corps et l’esprit. C’est un verbe spatial aussi. Ça englobe. C’est pas vulgaire, c’est pas chic, c’est usuel. Je crois me rappeler que de ces langues que j’ai apprises, il appartenait aux premiers mots, à la première liste de voc, la première liste de par cœur.

Comme écrire. Mais je ne me rappelle pas entre les deux lequel est venu d’abord. D’une manière spontanée je dirais run et correr. Mais je ne suis pas certaine et cela n’a pas tant d’importance dans ce texte.

Ecrire. Comme la nécessité du geste parfois plus que du contenu.
Parfois juste ouvrir le document word, la page et taper. Parfois ne jamais se relire. Enfin pas vraiment. Enfin si mais pas beaucoup. Je ne crois pas au texte fait et jeté.
Le texte est presque toujours lu par quelqu’un au moins une fois. Au moins par soi.
Il y a toujours un destinataire à l’écriture. Conscient ou inconscient. Il y a toujours quelqu’un derrière la lettre, la touche enfoncée du clavier. Il y a quelqu’un derrière le verbe et devant.
Ecrire est un acte solitaire mais généreux. L’économie du don naît. On peut m’apporter sur la table ceux qui sont forcés à écrire ou bien ceux qui déchirent l’encre encore humide. Tant de feux entretenus à brûler les mots. Il y a toujours l’acte d’écriture qui ne s’efface pas de l’histoire.

Il y a ces textes dont on a honte, qu’on aurait voulu ne jamais écrire. Je n’ai jamais jeté ce que j’ai écrit, de la merde à mes textes les plus chiadés, même les brouillons. Les brouillons restent. Ils sont conservés moins précieusement, froissés dans l’angle d’un carton mais ils restent parfois, longtemps. Ils sont en quelque sorte ces écrits que je n’ai pas brûlés. Les brouillons sont nos ratures et contiennent nos échecs. Il est compréhensible que certains les fassent disparaître, mais je crois qu’il faut savoir se souvenir aussi d’où nous venons. Je viens du journal intime que j’écrivais à sept ans. Je viens de mes rédactions de prose d’aventure de CM2. Je viens de mon commentaire du bac de français. C’est passé, c’est révolu mais c’est la chape. 
Je ne pense pas que l’enfance soit un brouillon de l’adulte.